PFC Louisiane
L’enquête a été réalisée à la Ville Platte et dans ses environs en 2007, à l’exception d’un entretien qui a eu lieu en 2009. La Ville Platte se trouve dans la paroisse (civile) Evangeline, située dans la partie nord-ouest de « l’Acadiana », une région regroupant une vingtaine de paroisses ayant en partage une histoire fortement marquée par la présence de populations francophones. À la différence de certaines autres parties de l’Acadiana, la paroisse Evangeline n’a pas été une destination pour les exilés acadiens chassés de l’Acadie par les Anglais en 1755, et dont 2 600 à 3 000 sont venus s’installer en Louisiane. Sa population francophone est venue principalement de France, avec un apport québécois dont témoigne l’assibilation variable des occlusives dentales /t/ et /d/ devant les voyelles hautes /i/ et /y/ et les semi-voyelles /j/ et /ɥ/. La Ville Platte a 7 300 habitants, dont environ 41% de Blancs et 59% de Noirs. En 2010 24% de la population parlait français ou créole français.
Les entretiens ont été menés par Nathalie Dajko, Thomas Klingler, Amanda LaFleur (native de la Ville Platte) et Chantal Lyche ; dans la plupart des cas deux des quatre membres de l’équipe ont participé à l’entretien. Tous les entretiens ont été enregistrés avec un appareil numérique et un microphone externe ; la qualité du son est en général excellente.
Le corpus comprend 16 entretiens, dont 8 avec des femmes et 8 avec des hommes. Comme le français ne se transmet plus à la maison depuis plusieurs générations en Louisiane, tous nos témoins étaient âgés de plus de 55 ans, le plus jeune, né en 1950, ayant 57 ans au moment de l’enquête et la plus âgée, née en 1919, ayant 88 ans. Tous les locuteurs s’identifient comme des Blancs, les moyens à notre disposition ne nous permettant pas d’intégrer la race comme variable dans notre échantillon.
Le français est presque exclusivement une langue orale en Louisiane, et sauf de rares exceptions, les locuteurs ne savent ni le lire ni l’écrire. Pour cette raison, on a été obligés d’adapter le protocole PFC de façon à ce que les témoins ne soient pas obligés de lire. Pour la liste de mots, nous avons présenté aux témoins, à l’oral, l’équivalent anglais du mot, en leur demandant de le traduire en français. Cela nous a obligé à remplacer certains mots inconnus en français louisianais par des mots comportant le même trait phonétique, p. ex. exact à la place d’intact et espagnol à la place d’agneau. À la place du texte lu, nous avons demandé aux témoins de raconter des contes, de chanter des chansons ou de réciter des prières en vue d’obtenir des exemples d’un style plus soutenu. Cette stratégie a rencontré un succès mitigé, certains témoins étant incapables de compléter cette partie du protocole. A ces deux instruments nous avons ajouté une liste d’une quarantaine de phrases ou syntagmes visant divers traits phonologiques, mais surtout la liaison (p.ex. ‘He has a big ear’ / ‘He has big ears’ Il a un gros oreille / des gros oreilles). Pour la majorité des entretiens nous avons ajouté au protocole des éléments visant d’autres traits, telle la palatalisation dans certains mots (p.ex. ‘God and the devil’ le Bondieu/Bondjeu et le diable/djable). Chaque entretien comporte une partie de conversation guidée et une partie de conversation libre, sans que la frontière entre les deux soit toujours évidente.